mardi 16 août 2011

UNE REVOLTE MONDIALE DE LA JEUNESSE (MICHEL FIZE)

Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Italie, Grèce, Espagne..., aujourd'hui Grande-Bretagne... et Israël, la liste des pays n'en finit pas de s'allonger, qui montre des jeunes en colère, "indignés" ou "émeutiers". La jeunesse, depuis trois ou quatre décennies, était unie pour le meilleur : les festivités musicales ou sportives, les JMJ (Journées mondiales de la jeunesse...). Elle l'est dorénavant aussi et surtout pour le pire : le chômage et la précarité, la rigueur du présent, l'inquiétude du lendemain.
Pour cette raison, les émeutes qui ont eu lieu à Londres et dans les autres villes d'Angleterre ont offert, avec celles de 2005 dans les banlieues françaises, des similitudes qu'il faut à présent préciser.
Dans l'un et l'autre cas, elles débutent dans des quartiers pauvres : Tottenham à Londres, les cités populaires en France. Des quartiers à grande concentration de jeunes issus de familles immigrées : surtout antillaises à Londres, surtout maghrébines et africaines subsahariennes (et antillaises aussi) chez nous.

Tant à Londres qu'en région parisienne, ces émeutes mettent en scène des jeunes, souvent très jeunes (10-13 ans), qui sont moins des voyous (les émeutiers français étaient, pour leur grande majorité, sans passé judiciaire et assez normalement scolarisés ; les enquêtes en cours à Londres concluront probablement de la même manière le moment venu), jeunes donc qui sont moins de la "racaille" que des désespérés - désespérés qui, n'ayant plus rien à perdre, sont prêts à tout, à tout pour qu'on leur accorde un peu d'attention et de reconnaissance.

Tandis que d'autres jeunes, en Grèce ou en Espagne, s'indignent en verbalisant leurs revendications (ils ont les capacités intellectuelles nécessaires pour cela), qu'ils réunissent groupes de travail et assemblées générales, ces jeunes-là, ceux des quartiers populaires, s'expriment par des violences.

Par leur fureur, les jeunes Anglais, à l'image des jeunes Français naguère, crient ainsi leur désespoir et leur colère à la fois. Ils se vengent aussi de la police qui les maltraite si souvent en temps ordinaire (on ne dira jamais assez combien le contentieux entre les jeunes et les forces de l'ordre nourrit les violences urbaines).

A Londres, comme à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou d'autres cités populaires, cette jeunesse, qui se sent abandonnée, méprisée, s'en prend désormais aux symboles de cette richesse capitaliste à laquelle elle sait qu'elle ne peut accéder. Alors, bien sûr, elle "pille" ces objets de consommation qui lui font tant envie. Les "temples du commerce" aujourd'hui saisis ressemblent à s'y méprendre aux châteaux forts, gonflés des fortunes seigneuriales, que les miséreux attaquaient avec rage pour se venger de leur infortune.

La jeunesse est moins dangereuse qu'en danger. La répression policière, décrétée aujourd'hui par le premier ministre, David Cameron, ne résoudra rien durablement en Angleterre, comme elle n'a rien résolu, ni en France ni dans aucun autre pays confronté à pareil problème social.

Les solutions ? Elles existent mais demandent courage politique et bonne volonté économique. Quelles sont-elles ?

Un meilleur partage des richesses pour faire de nos sociétés des sociétés plus justes et plus équitables où chacun, jeune ou vieux, homme ou femme, Blanc ou Noir, puisse décemment vivre sans craindre le lendemain. Une classe politique plus proche des réalités sociales et moins des puissances d'argent. Solutions bien improbables ou bien lointaines. Alors quoi ? Des solutions sociales. L'établissement, par voie de médiation, d'un dialogue entre les pouvoirs publics et la jeunesse, qui a besoin que l'on reconnaisse la gravité de la situation dans laquelle on la tient et maintient - un scandale humain et une indignité démocratique à la fois.

Echec scolaire, chômage, précarité, dépendance : les jeunes en ont assez de cette vie de galère, de regarder passer les trains de la richesse. Il est temps, pour les Etats et les acteurs économiques, de définir pour eux de grands programmes d'insertion professionnelle. La jeunesse a moins besoin d'être punie ou "rééduquée", que d'être acceptée et insérée au coeur de nos sociétés.

MICHEL FIZE IN LE MONDE DU 16/08/2011

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