lundi 3 janvier 2011

comptes cruels de la jeunesse 3

Extrait d'une tibune de Louis Chauvel dans Le Monde : "Quels sont les symptômes de ce mal-être collectif ? Les plus visibles relèvent des difficultés de la jeunesse. Nous le savons, trente-cinq ans après l'extension du chômage de masse, la jeunesse a servi de variable d'ajustement. Chômage record, baisse des salaires et des niveaux de vie, précarisation, développement de poches de travail quasi gratuit (stages, piges, free-lance, exonération de charges, etc.), nouvelle pauvreté de la jeunesse, état de santé problématique et faible recours aux soins, absence d'horizon lisible.

En une décennie, nous n'avons pas progressé - c'est une litote. Nous observons un triple déclassement. Scolaire d'abord, la jeunesse étant maintenant de classe moyenne du point de vue des diplômes, mais en deçà de la classe ouvrière du point de vue des revenus. Au-delà de la valeur des diplômes, le déclassement est aussi intergénérationnel, avec une multiplication attendue des trajectoires sociales descendantes par rapport aux parents.

Il est aussi systémique, puisque, avec la chute des nouvelles générations, ce sont leurs droits sociaux futurs qui sont remis en cause : leur développement humain aujourd'hui, leur capacité à élever leurs enfants demain, et leurs retraites après-demain. Il s'agit donc de la régression du système social dans son entier, et pas simplement celui d'individus. Par-dessus tout, une frustration générale envahit les esprits devant l'accumulation des promesses non tenues : celle du retour au plein-emploi grâce au départ à la retraite des premiers-nés du baby-boom (rapport Teulade de 1999), de meilleurs emplois par la croissance scolaire, dans un contexte où le travail seul ne permet plus de se loger. Il s'ensuit une colère, voire une haine, qui se détecte clairement dans la jeunesse de 2010 et que le mouvement sur les retraites a paradoxalement canalisée.

Il reste que la symptomatologie n'est pas un diagnostic. Celui-ci relève du refus collectif de regarder lucidement notre long terme, et du caractère profondément conservateur, rentier, de la société française dans son entier. Le comportement patrimonial des possédants français accumulant de l'assurance-vie et des logements vides, tout comme leurs grands-parents serraient leurs lingots, relève de la même frilosité."

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/03/les-jeunes-sont-mal-partis_1460368_3232.html#ens_id=1433180

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