vendredi 17 juillet 2009

PETITES MISERES DE L'HISTOIRE LITTERAIRE 3

"Il ne faut d'ailleurs pas oublier que cet ouvrage (Isou ou la mécanique des femmes) désormais célèbre est paru en 1949, après avoir été refusé par Gaston Gallimard qui n'a pas souhaité le voir figurer dans l'Agrégation d'un nom et d'une messie, antérieurement publié chez cet éditeur et auquel il était primitivement attaché. Il faut garder en mémoire qu'en cette fin des années 40 et même au delà , les mœurs, notamment au travers de la manière dont les restituaient les productions romanesques et cinématographiques, renvoyaient l'image stéréotypée d'un homme dominateur face à une femme prétendument fragile, à la fois idéalisée et caricaturée. C'est contre cette image faussée et réductrice que des femmes ont pris le parti de manifester. Il n'est donc pas étonnant que, encore en 1971, la journaliste et écrivain, Françoise d'Eaubonne, l'une des actrices du Mouvement de Libération des Femmes, ait pu agir agressivement à la demande qui lui était faite de soutenir l'association des amis d'Isidore Isou. La raison de la brutalité de sa réponse réside dans une phrase d'Isou extraite justement de La Mécanique des femmes, qu'elle met en avant pour dénoncer le mépris de l'auteur à l'égard du sexe féminin. La phrase incriminée est la suivante : " Je la gifle, elle me répond et durement... Je suis pris d'une rage inouïe, je l'assomme et je pars sous les acclamations de la foule qui la prend pour une putain. J'étais un héros: j'étais celui qui avait battu une putain". C'est pour avoir écrit cette phrase que cette journaliste déclara "qu'Isou pouvait bien crever". A cet échange vif, plusieurs femmes du groupe lettriste lui firent la réponse suivante parue dans le numéro 6 de la revue Ligne Créatrice (1972, p.59) :
"Paris, le 8 avril 1971. Madame, parce qu'Isou a écrit une phrase dans un livre de jeunesse, vous demandez qu'il crève. Or demander la mort d'un être pour une phrase, c'est du nazisme. Vous êtes une sale nazie. Cette phrase de la Mécanique montre justement l'ignorance d'un individu dans une société conventionnelle, son impuissance qui conduit le jeunes garçon à faire. Mais au delà de ces erreurs normales, évolutives, le héros arrive à aimer toutes les femmes et de toutes les manières à respecter la femme ainsi que le fait tout membre du mouvement lettriste. En transformant une étape en une fin vous prouvez que vous ne savez même pas lire. Les nazis lisaient au moins jusqu'au bout. Vous êtes une néonazie inculte. Isou a apporté aux femmes Le Soulèvement de la jeunesse et l'idée de création, base des valeurs grâce à laquelle la femme ne peut se libérer qu'en devenant une polytechnicienne créatrice. En insultant l'un des plus profonds créateurs de ce temps, vous agissez comme une nazie, oppresseurs des créateurs". Et la critique s'achève par "vous n'avez pas à crever, Françoise d'Eaubonne, car vous n'avez jamais existé, disparaissez détritus".
Cette réplique à la fois cinglante et violente était signée, notamment, par Micheline Hachette, Jacqueline Takieltaub et Françoise Canal. Aux arguments de mes camarades j'ajoute que la journaliste en question semble ignorer la différence entre une œuvre romanesque de fiction et la réalité".
Anne-Catherine Caron, Le lettrisme au delà de la feminitude, Zero gravità, 2008

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